Un monde disparaît alors qu’un autre se dessine, c’est ce que cette miraculeuse Symphonie N°9 nous enseigne. La tonalité s’élargit, prête à disparaître, la musique semble se tordre dans les dernières convulsions du XIX^e siècle. Cardiaque, Gustav Mahler doit renoncer à tous ses sports favoris: natation, rame, bicyclette et excursions en montagne. Sa musique dit tout de sa panique,  elle est comme un adieu au monde et à la Vienne si civilisée. Dernière œuvre achevée de Mahler, elle chemine par vagues et par couches successives, par bribes de souvenirs traversant un vaste catalogue d’états d’âme. Le poignant adagio final se souvient de Bruckner tout en s’enfonçant dans le néant. Après sa création posthume par Bruno Walter à Vienne en 1912, c’est Genève qui aura l’honneur d’en donner la deuxième audition l’année suivante par l’Orchestre des Concerts d’abonnement, l’ancêtre de l’OSR, sous la direction de Bernard Stavenhagen au Grand Théâtre.